Aller au contenu

Les « ajustements mineurs » prévus à l’arrêté tarifaire ne sont plus à l’ordre du jour

Les budgets disponibles rendent impossible toute revalorisation des tarifs pour l’instant, même si le budget total du SPF Justice n’a jamais été aussi élevé qu’en 2023.

L’expérience montre que l’attention des médias suscite des questions parlementaires, comme cela s’est encore récemment confirmé. Le 15 juin 2023, La Dernière Heure consacrait une page entière à « La grogne des interprètes et traducteurs pour la justice et la police. Ils sont parfois payés 10 euros brut par heure pour une demi-journée ». Cet article a également été traduit en anglais sous le titre "The discontent of interpreters and translators for justice and the police: They are sometimes paid 10 euros gross per hour for half a day" et a été repris, bien que légèrement abrégé, par un site d’information américain.

Dans cet article, le porte-parole de l’UPTIJ a eu l’occasion de mettre en lumière (certains) des problèmes rencontrés principalement par les interprètes intervenant auprès de la police et de la justice : les retards de paiement, principalement au bureau de taxation de Bruxelles NL (on constate toutefois avec plaisir que les paiements sont généralement plus rapides qu’auparavant dans les autres bureaux de taxation), le nombre limité d’interprètes disponibles à plein temps pour la justice, la structure tarifaire peu attrayante (paiement à la minute à partir de la deuxième prestation), les faibles indemnités d’annulation, etc.

À la suite de la publication de l’article dans La Dernière Heure, pas moins de trois questions parlementaires ont été posées. Le ministre de la Justice a d’ores et déjà répondu à la première d’entre elles : « les conditions de travail des interprètes en Justice. » Vous trouverez ci-après le lien vers la question de la députée fédérale Sophie Thémont (PS) ainsi que la réponse du ministre.

Dans sa réponse, le ministre a également annoncé une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble de notre secteur : « Concernant les tarifs appliqués, ceux-ci ont subi une importante indexation en 2023. Les budgets disponibles rendent toute autre revalorisation impossible dans l’immédiat. »

Cette dernière phrase signifie en pratique que même les « ajustements mineurs » prévus en novembre 2022 par le cabinet du vice-premier ministre et ministre de la Justice à l’arrêté tarifaire du 22/12/2016 ne sont actuellement plus à l’ordre du jour.

Les adaptations que le SPF Justice et le cabinet devaient apporter sous réserve de moyens budgétaires suffisants, selon les informations dont nous disposons (le projet d’arrêté royal pour lequel l’Inspection des Finances a émis un avis négatif ne nous a jamais été communiqué), étaient les suivantes :

Pour la traduction :

  • Augmentation de l’indemnité minimale de 300 à 500 mots
  • Extension de l’urgence dans les deux jours ouvrables.

Pour l’interprétation :

  • Adaptation de l’horaire de nuit (20 h – 8 h)
  • Remplacement de l’indemnité d’attente par une indemnité de prestation en cas d’annulation
  • Amélioration du système des équipements de chuchotage.

Cependant, le ministre Van Quickenborne semble beaucoup plus conscient de la réalité dans laquelle nous exerçons nos missions. Son prédécesseur, Koen Geens, déclarait sans rougir au Parlement au début de 2019 que « les prix pratiqués en Belgique pour la rémunération de la traduction (simultanée) sont au moins au niveau de ceux pratiqués au sein des institutions européennes ». Vincent Van Quickenborne reconnaît désormais que « de nombreux interprètes préfèrent travailler pour le secteur privé car les tarifs y sont souvent plus élevés ».

Il est clair que le ministre de la Justice reconnaît également d’autres problèmes sur lesquels l’UPTIJ a attiré l’attention dans de nombreux articles de presse depuis novembre 2022 (voir ici et encore ici) notamment le nombre limité d’interprètes disponibles à plein temps, les conditions de travail lors des missions d’interprétation dans les salles d’audience, etc.

Les réunions de concertation avec le SPF Justice et le cabinet du ministre, qui ont été préparées de manière beaucoup plus structurée et approfondie depuis février 2023 sur l’initiative conjointe des deux organisations professionnelles reconnues, l’UPTIJ et la CBTI, ont sans nul doute joué un rôle à cet égard.

Même si une augmentation budgétaire indispensable s’avère impossible au cours de cette législature, ce qui constitue évidemment une très mauvaise nouvelle, nous n’avons jamais eu autant d’occasions de discuter de manière structurelle des points problématiques avec la cellule stratégique du ministre et l’équipe du Team Support - Partners (nouveau nom de la Direction Générale de l’Organisation Judiciaire) du SPF Justice.

Quant à l’indexation (11,11 % en 2023), il est important de noter qu’elle ne doit en aucun cas être présentée ou interprétée comme une augmentation des tarifs. Elle représente simplement une compensation partielle de la perte de pouvoir d’achat. Cependant, dès décembre 2022, l’UPTIJ tirait la sonnette d’alarme concernant un budget insuffisant alloué aux frais de justice dans le budget de 2023 sur la base de l’analyse d’un rapport de la Cour des comptes.

Notre porte-parole déclarait dans La Libre le 21 décembre 2022 : « Les crédits prévus pour les frais de justice pour 2023 seront de 98 millions alors qu’ils étaient de 103 millions en 2022 ».

Et dans notre communiqué de presse relayé par plusieurs journaux néerlandophones et le GrenzEcho le lendemain : « L’année prochaine, la Justice veut réduire encore plus les coûts de fonctionnement alors qu’il y a une indexation de 10 %. Si cela continue, nous craignons de revenir à la situation de 2014-2019. À chaque fois, l’argent était déjà épuisé en septembre, et les interprètes, entre autres, devaient attendre jusqu’en février pour être payés. »

Le SPF Justice avait alors réagi dans la presse : « Le SPF Justice assure qu’il y a suffisamment de ressources de fonctionnement disponibles pour payer toutes les prestations effectuées dans des délais raisonnables, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. »

Lors de la réunion de février 2023, l’UPTIJ a posé des questions à ce sujet et une solution nous a été promise. En juin dernier, des prévisions annonçaient un déficit de 18 à 20 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Le cabinet du ministre a déclaré que la priorité actuelle était de pallier ce déficit et de veiller à ce que tout puisse être payé (aux tarifs actuels indexés). Pour 2024, un budget supplémentaire a été demandé afin de couvrir l’indexation.

Malgré diverses mesures (budgets supplémentaires), un déficit de 7 millions d’euros est encore prévu pour 2023. Lors de la réunion de fin août 2023, il a été indiqué que d’éventuels transferts budgétaires seraient envisageables.

L’impossibilité de trouver cette année le budget nécessaire pour adapter l’arrêté tarifaire des traducteurs/traductrices et interprètes, associée à la recherche fébrile en moyens suffisants menée depuis des mois pour le paiement des frais de justice de 2023, suscite également des réflexions. Surtout lorsque l’on sait que le budget du SPF Justice n’a jamais été aussi élevé qu’en 2023. Le ministre de la Justice a déclaré le 26 avril 2023 en commission de la Justice : « En outre, la justice fait l’objet d’un renforcement : cette année, son budget est passé de 2 à 2,5 milliards d’euros ».

Quelle augmentation budgétaire sera nécessaire à l’avenir pour permettre de véritables augmentations des tarifs de traduction et d’interprétation, des indemnités d’annulation plus élevées, des forfaits minimums supérieurs pour les missions de traduction, un alignement des heures de nuit et de week-end avec celles des avocat·es Salduz, des règles plus claires et plus souples pour les traductions urgentes, etc. ? Il reste manifestement beaucoup de travail pour convaincre les responsables politiques de faire du renforcement du budget des frais de justice une priorité de la politique de la justice au cours de la prochaine législature.

 

En savoir plus sur les réunions avec le cabinet et le SPF Justice ?

Voici les liens vers les comptes rendus des trois réunions tenues en 2023 jusqu’à présent (réservés aux membres) :

La réunion diu 24 février 2023

La réunion du 16 février 2023

La réunion du 30 août 2023

Copyright 2024 UPTIA
Design by Lake-IT